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June 13, 2023   ChinAfrica
Sécurité alimentaire : un enjeu renforcé

Mots-clés: coopération Sud-Sud ; sécurité alimentaire

La coopération Sud-Sud peut grandement contribuer à s’attaquer à l’insécurité alimentaire.

David Kaatrud prononce un discours lors du Forum de partage des connaissances sur la coopération Sud-Sud, à Beijing, le 15 mai. (BUREAU DU PAM EN CHINE) 

Le Forum de partage des connaissances sur la coopération Sud-Sud s’est tenu dans les locaux de l’ONU à Beijing le 15 mai. CHINAFRIQUE s’est entretenu avec l’un des intervenants, David Kaatrud, directeur de la Division des programmes – action humanitaire et développement du Programme alimentaire mondial (PAM), pour connaître son opinion sur l’état de la sécurité alimentaire dans le monde et sur le rôle de la coopération Sud-Sud en la matière. Voici un extrait édité de l’entrevue: 

CHINAFRIQUE: Quelle est la situation alimentaire dans le monde? Comment la coopération Sud-Sud peut-elle y contribuer? 

David Kaatrud: Malheureusement, cela fait trois ou quatre ans que le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë augmente de façon spectaculaire. L’année dernière, à la même époque, nous avions recensé 193 millions de personnes dans ce cas en 2021, et en 2022, ce chiffre est passé à plus de 250 millions. 

Tout d’abord, nous devons stopper cette tendance et nous attaquer à certains problèmes urgents, car certaines de ces personnes sont vraiment au bord de la famine. Il est donc nécessaire d’obtenir suffisamment de ressources pour répondre aux besoins humanitaires et sauver des vies. 

Si nous ne faisons rien pour réduire ces chiffres par des investissements à long terme, la situation ne fera qu’empirer. Au sein du PAM et d’autres agences, notre objectif est de mettre en place des mesures visant à favoriser le développement d’une production agricole accrue et à améliorer l’accès à long terme aux denrées alimentaires. 

Cela implique le transfert de compétences, de connaissances et de technologies, et cela peut se faire par le biais de la coopération Sud-Sud, car un grand nombre de solutions mises en œuvre dans des pays comme la Chine peuvent être transférées et adaptées aux conditions des pays du Sud qui subissent actuellement ces pressions sur la sécurité alimentaire. 

Comment évaluez-vous les pratiques de la Chine en matière de production, de transformation et de stockage des denrées alimentaires? 

L’histoire de la Chine dans le domaine de la sécurité alimentaire est riche, et chacune de mes visites dans le pays me permet d’en apprendre davantage. Ces derniers jours, j’ai beaucoup appris sur des chaînes de valeur spécifiques telles que celle du manioc et sur les dernières réflexions en la matière. Par ailleurs, j’ai pu prendre connaissance de l’évolution de ces réflexions au cours des dernières décennies, voire des derniers siècles. 

Il est indéniable que la sécurité alimentaire a été érigée en priorité et que le secteur agricole a été mis en avant. Cependant, il est essentiel de comprendre que notre attention ne doit pas se limiter à la seule production agricole. Il est tout aussi important de prendre en considération les étapes post-récoltes, notamment le stockage et la transformation des aliments, afin de garantir qu’ils soient prêts à être consommés. 

Rachael Akol, une agricultrice de maïs et fournisseuse du PAM, emballe ses produits à Namalu, en Ouganda, le 9 juillet 2020. (PAM/HUGH RUTHERFORD) 

Vous avez mentionné la chaîne de valeur du manioc. Nous avons également remarqué qu’en Afrique, le PAM a lancé l’initiative de développement de la chaîne de valeur du riz Chine-Afrique. Quel est l’intérêt de renforcer les chaînes de valeur des produits agricoles? 

En Afrique, la production alimentaire repose principalement sur les petits exploitants agricoles, par opposition aux grandes entreprises agricoles industrielles. Cependant, ces petits exploitants sont confrontés à toute une série de difficultés pour obtenir des intrants tels que des engrais, des semences et même du carburant, pour stocker et conserver les récoltes et pour établir des liens avec les consommateurs. 

L’utilité d’une chaîne de valeur réside dans le fait qu’auparavant, de nombreux acteurs ne s’intéressaient qu’à la production, se contentant de maximiser la quantité produite sans se préoccuper de la manière de s’assurer qu’elle ne soit pas perdue à cause des conditions météorologiques ou des parasites. Les pertes post-récoltes représentent 30 % ou plus de la production agricole africaine, alors que ce chiffre n’est que de 2 % en Chine. 

Le PAM peut apporter son aide dans cette chaîne, principalement dans le domaine des pertes post-récoltes. Nous nous efforçons également de connecter les petits exploitants au marché afin qu’ils puissent vendre leurs produits et que les consommateurs puissent y accéder à des prix raisonnables. 

Le PAM a mis en place la plateforme de partage des connaissances sur la coopération Sud-Sud en collaboration avec le Groupe de communication internationale de Chine (CICG). Comment de telles plateformes peuvent-elles promouvoir le partage des connaissances entre les pays en développement? 

Ce partenariat avec le CICG a été très solide, et il a été à l’origine de la phase initiale de cette plateforme de connaissances il y a environ un an. Pendant cette période, nous avons mis en ligne des études techniques et des informations sur une variété de sujets qui peuvent être consultées. Il est également possible de poser des questions en ligne et d’obtenir des éclaircissements. Ce qui est passionnant aujourd’hui, c’est que nous commençons à envisager de proposer des cours en ligne par l’intermédiaire de cette plateforme, qui entre dans une autre phase. 

Pour l’instant, nous publions des documents liés aux interventions que nous menons à travers notre centre d’excellence à Beijing: réduction des pertes post-récoltes ou interventions au niveau de la chaîne de valeur. On peut s’attendre à la multiplication de nos contenus avec l’évolution des technologies et de l’innovation. 

Je pense particulièrement à un document intéressant lié à une expertise en Chine pour traiter des conditions de déficit hydrique. Il s’agit d’un autre domaine prometteur, parce qu’une grande partie du monde est touchée par le changement climatique et les conditions météorologiques extrêmes, y compris la sécheresse. La Chine a mis au point de nombreuses recherches et approches utiles qui peuvent être partagées et transmises à l’aide de cette plateforme. 

Nous avons remarqué que certains pays africains peuvent avoir des problèmes de sécurité alimentaire en raison de l’inflation, de la sécheresse ou d’autres facteurs. Quelles sont les mesures prises par le PAM pour répondre à ces préoccupations? 

Tout d’abord, il est impératif de fournir une assistance pour sauver des vies. Et c’est ce que nous faisons depuis des décennies. Nous sommes en quelque sorte un filet de sécurité international à cet égard, en collaboration avec les communautés locales et d’autres acteurs sur le terrain.

Nous pouvons aussi travailler sur le long terme. Par exemple, si nous avons besoin de fournir de la nourriture dans une zone touchée par la catastrophe, nous pouvons l’acheter sur le continent africain, qui n’est pas très loin, et aider les petits exploitants agricoles de cette région, au lieu d’importer des céréales d’ailleurs. 

En ce qui concerne la question du climat, nous pouvons introduire de nombreuses cultures qui sont plus résistantes à la sécheresse et plus respectueuses de l’environnement, telles que le millet et le sorgho. Nous choisissons ce type de cultures dans le cadre de certains de nos programmes comme celui d’alimentation scolaire pour contribuer à améliorer la situation.